Quand trop de bonheur, tue le bonheur

Bien Être au Travail, Qualité de Vie au Travail, Prévention des Risques, Yoga, Sophrologie, Méditation en pleine conscience, Méditation tout court...impossible de ne pas remarquer la concentration des efforts humains sur la quête du bonheur.

Je commençais à ressentir une sensation d'inconfort face à cette tendance qui ressemble de plus en plus à une idéologie. "Il faut" être heureux, "il faut" se sentir bien, et par conséquent, fuir toute source de mal-être. Puis j'ai constaté que je n'étais pas la seule à ressentir un décalage vers une zone d'incohérence. Car à force de chercher, j'ai l'impression qu'on passe à côté de l'essentiel.

J'ai trouvé un éclairage heureux - un vrai bonheur ! - dans les réflexions d'Eva Illouz sur la "Tyrannie du Bonheur"*. Elle m'a aidé à comprendre le mécanisme de la résilience qui fait que, lorsqu'il marche "trop bien", nous rend "imperméables à notre propre souffrance et à celle que nous infligeons aux autres. ... La psychologie positive fonctionne comme un écran entre notre réaction physique et la cause de celle-ci".

Les effets sont comme une bombe à retardement. On remplit le vase de "faux bonheur" et il suffit d'un banal déclencheur pour faire exploser la souffrance qui n'a pas eu l'occasion de s'exprimer. En fait, le problème c'est qu'à force de nous concentrer sur l'affichage du bonheur, nous avons oublié que souffrir est humain, et nous avons oublié comment on souffre. On ne sait plus faire, et à chaque fois que la souffrance se présente elle est chargée d'une couche supplémentaire qui réside en notre incapacité à gérer. 

Si seulement nous pouvions dire que ça va pas mais que tout va bien ! Toute cette idéologie s'effondrerait. Ça arrivera peut-être, dans la prochaine révolution sociologique. 

* La Tyrannie du Bonheur, l'Obs du 23/08/2018